Les Dust Devils

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Le diable de poussière, traduction de Dust Devil est le terme le plus employé pour désigner les tourbillons de vent se formant au sol, ressemblant à un cône à sa base la plupart du temps. Se produisant très fréquemment dans certaines zones arides du continent, la poussière qu’il brasse permet de les rendre bien visible.
Les diables sont également étudiés sur la planète Mars, présentant une atmosphère propice à leurs développements.
Il faudra se méfier de ce phénomène micro-météorologique et pour cela, nous allons l’étudier pour mieux l’appréhender.

Pré-requis

Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850), chimiste et physicien français, nous a permis de comprendre la relation entre la température de l’atmosphère et sa pression. “La loi de Gay-Lussac informe qu’à volume constant, la pression d’une certaine quantité de gaz est directement proportionnelle à sa température absolue”.
Selon cette théorie, une augmentation de la température résulte d’une augmentation de la pression et réciproquement. Nous nous intéresserons donc au premier cas, celui d’une augmentation de température.
Lorsque l’on chauffe un volume d’air, comparé à un autre que l’on refroidit, le volume d’air chauffé provoque une augmentation de l’énergie cinétique des particules qui la compose. Et réciproquement pour le volume d’air refroidit.

En résultat, le niveau de pression devient plus élevé dans le récipient de droite.

De ce fait, l’échauffement de l’air augmente la pression atmosphérique et le refroidissement de l’air la baisse.
Ainsi, si l’on place une même particule aux même propriétés, dans les 2 masses d’air différentes, soumises à la pesanteur, nous obtenons :

  • dans la masse d’air chauffée, “la particule se retrouve alourdit en raison d’un allègement de la masse d’air environnante”
  • dans la masse d’air refroidi, “la particule s’allège en raison d’un alourdissement de la masse d’air environnante”

Pour résumer, nous obtenons le schéma suivant :

Conditions d’apparition

Les Dusts sont le plus souvent observés sur les surfaces arides présentant peu de végétation. Toutefois, nous pouvons les observer plus rarement dans les prairies très humides. Dans les zones favorables à son apparition, les Dusts surviennent souvent par ciel dégagé, permettant à la surface terrestre d’être suffisamment chauffé par le rayonnement solaire. Cette surface, par conduction, crée une couche d’air dont la température est beaucoup plus élevé par rapport à l’air environnant.

Plusieurs facteurs favorisent l’apparition des Dust Devils. Mais au vu de la complexité de ce phénomène, dont leurs études se font peu nombreuses, il est possible d’en rencontrer dans d’autres circonstances. Voici quelques facteurs augmentant la probabilité de la naissance des Dust Devils :

  • L’angle du rayonnement solaire optimal est de 90° par rapport au sol, pour une surchauffe de ce dernier. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous les rencontrons régulièrement sur nos pentes les mieux exposées au soleil. On pourrait penser que son apparition soit plus rare l’hiver. Peu connu sous le nom de whirlies, les tourbillons de neige existent bel et bien, notamment en présence d’autres facteurs aidant à son apparition.
  • Un minimum de couverture nuageuse favorise l’apparition de ces tourbillons. Dans l’Arizona, il a été enregistré une baisse de 50% de l’activité des Dust Devils lorsque le ciel se couvrait à 3/10eme de nuage ! (Aujourd’dui, nous employons l’octat pour décrire la couverture nuageuse)
  • Une faible humidité est idéale pour le processus de développement des Dust Devils car la vapeur d’eau est un grand consommateur de chaleur. En conséquence, le gradient de température proche du sol serait insuffisant.
  • En situation de marée barométrique, les isobares plus ont moins désordonnés et espacés fournissent peu de vent. Elle est associée à une zone à faible gradient de pression. La chaleur dans cette zone peut augmenter en raison de la faible circulation atmosphérique. Cette situation est souvent associée à une période caniculaire en raison des fortes chaleurs, donnant également une faible nébulosité dû aux polluants stagnants dans les basses couches de notre atmosphère. Et c’est au bout de plusieurs jours de grosses chaleurs, favorisant de fortes instabilités, que les orages éclatent.
  • Les diables de poussières se rencontre essentiellement en condition anticyclonique, en présence de haute pression en altitude agissant comme un couvercle sur notre atmosphère. Elle se caractérise par une inversion de température en altitude, et visible lors de la formation de cumulus. En effet, ces derniers se développe peu en hauteur et on tendance à s’étaler. Dans ces conditions anticyloniques, la chaleur accumulée dans l’air en contact du sol se traduit par une augmentation de sa pression. Nous pouvons comparer ce phénomène à une cocotte-minute/autocuiseur muni d’une soupape :

1 – Le soleil surchauffe les sols :

2 – On assiste à une augmentation de la pression de la couche d’air au niveau du sol (Ps), en confrontation avec la pression atmosphérique environnante (Pa). La température de l’air au niveau du sol croît avec la pression :

3 – La couche d’air au niveau du sol atteint un niveau critique de température et de pression, nous assistons à une dépression thermique (D) :

  • La couche d’air surchauffée à proximité du sol peut être fragilisée par une turbulence tel que le passage d’animaux. De plus, le cisaillement de deux brises ou deux vents contraires favorisent la mise en rotation de l’air et l’apparition de Dust Devils :

  • Un gradient suradiabatique dans la plus basse couche de l’atmosphère, à cause d’une chaleur excessive rayonnée par le sol constitue l’un des facteurs d’apparition du tourbillon. Cette couche est qualifiée de “suradiabatique” lorsque le gradient de température est nettement supérieur au gradient adiabatique ( Cf. tuto l’émagramme en simplicité).
  • Une faible vitesse de vent permet à la couche d’air réchauffé à proximité du sol de ne pas être perturbé. La vitesse critique est très difficile à estimer compte tenu des nombreux paramètres à prendre en compte.
    Pour une vitesse de vent atteignant ce seuil, le mouvement de l’air deviendrait turbulent et la diffusivité thermique augmenterait énormément. La chaleur serait éloignée de la surface assez rapidement pour qu’il n’y ait pas de surchauffe importante de la couche d’air effleurant le sol.

A certains endroits sur Terre, le profil suradiabatique atteindrait les 500 pieds (150m) la plupart des après-midi pendant la saison sèche, valeur enregistré à Kendrew en Afrique du Sud. De plus, la température de surface peut atteindre des valeurs extrêmes selon les propriétés du sol.
Nous avons déjà tous été confrontés à un sol surchauffé, visible à l’oeil nu et flouttant le paysage :

Les conditions anticyclonique rassemblent certains des paramètres précédents.
Nous rappelons qu’un anticyclone en altitude est constitué d’air chaud. Ainsi, il agit comme un couvercle.
Le gradient de température donne un profil plutôt stable de la masse d’air car, comme nous l’avons vu, la pression d’un gaz (ici, l’atmosphère) est directement proportionnelle à sa température.
Sachant que le gradient moyen de la température est de 0.65°C/100, un anticyclone d’altitude aura tendance à donner une pression plus élevé en altitude et en conséquence, une diminution moins notable de la température avec l’altitude.
L’air chauffé à proximité du sol a du mal à s’élever et surchauffe contribuant donc à la naissance d’un profil de température suradiabatique.

Ici, la couche d’air au sol est “artificiellement” chauffée durant le festival de Burning Man au Navada. La nuit tombe, la température de l’air se rafraîchit d’autant plus que le ciel est dégagé (le rayonnement infrarouge du sol partant dans l’espace). L’écart de température se creuse entre le sol et les couches supérieures de l’atmosphère, un profil de température suradiabatique se crée. Nous remarquons également que le vent influe sur la direction des Dust Devils. Dans ces conditions, nous parlons également de tourbillon de feu “fire whirlwind” lorsqu’il est visible.

Et pourquoi un tourbillon ?
Tout simplement parce qu’il s’agit du mouvement le plus économe en énergie et la moins turbulente.

Caractéristiques

Dénominations courantes :
sand pillar / dancing devil / sand auger / dust whirl / whirlwind (U.S)
willy-willy / whirly-whirly (Australie)
redemoinho (Brésil, Portugal)
djin (Orient)

Diamètre : 1 à 100m
Hauteur : 5 à plus de 1000m, 10% des Dusts mesure plus de 300m
Durée de vie : de quelques secondes à plusieurs minutes
Vitesse horizontale du vent à 2m de hauteur : 0-10ms
Vitesse verticale du vent à 5m de hauteur : 5-10ms
Sens de rotation : cyclonique et anti-cyclonique

La forme la plus courante des Dust Devils sont des panaches de poussières désordonnés présentant un cône en forme de V à leur base.
Moins fréquent, des formes tubulaires peuvent se dessiner :

Après une enquête continue d’un mois, Lanagan (2014) a enregistré ces phénomènes naissant entre 10H00 et 16H00 locale, la plus forte activité étant en milieu de journée.
Il a notamment enregistré, à l’aide de caméras, jusqu’à un minimum de 15minutes d’intervalle entre chacune de leur apparition.
Des enregistrements d’images thermiques avec une caméra thermique ont également été menés (image de gauche : vue de dessus, image de droite : vue de face).
Sur l’image de droite, on devienne le gradient suradiabatique au sol :

Vue de dessusVue de face

Dans un Dust Devil, les particules de poussières s’entrechoquent violemment et se frottent entres-elles, donnant naissances à des champs électriques importants pouvant atteindre exceptionnellement les 100 kV/m au niveau du sol. Les particules légères s’élèvent et s’électrise négativement tandis que les plus lourdes restent proch du sol et s’électrisent positivement. Il se peut que l’on entendent des grésillement à la radio.

Un diable de poussière se déplace de différentes façons, lentement, mais ne sont pas stationnaires.
La direction est généralement donnée par une crête topographique. Lorsqu’il croise une butte sur son passage, il tend à la monter jusqu’au sommet. Il ne descendra pas la pente, même aidé par le vent.
Le vent lui permet d’obtenir une direction, surtout sur terrain plat. Les jours sans vent, les Dusts suivent un parcours en spirale.
Topographie et vent sont les 2 facteurs principaux du sens de déplacement.

Précautions à prendre

On parle beaucoup de Dust Devil quand ils sont visibles par la poussières qu’ils entraînent.
Toutefois, il faudra se méfier en absence de poussières au sol ne permettant pas d’anticiper visuellement leur arrivée.
D’autres éléments permettent de déceler l’arrivée d’un Dust Devil :

Le changement de direction soudaine de la manche à air et des rubans est le signe annonciateur principal.
Si votre aile est étalé face à la pente, elle verra son bord d’attaque retourné.
Ces signes donnent la localisation du tourbillon :

L’idéal serait que le décollage (et l’atterrissage) soit entouré de rubans montés sur des petits mâts flexibles, afin d’avoir le maximum d’éléments pour anticiper l’arrivée du Dust.
Le bruit d’un sifflement provient régulièrement des Dusts lorsqu’ils sont proches de vous. De même, le vacarme localisé d’un arbustes se faisant secouer est un signe !
Méfiez-vous également d’un changement brute de la masse d’air, lorsque qu’il devient calme, cela peut être un signe de changement aérologique et de déclenchement de Dust Devil.
Pour éviter de subir ses effets, pouvant causer de très grave accidents, quelques gestes simples peuvent être appliqués :

  • ne pas attendre longuement équipé sur lé déco,
  • mettre son aile en boule pendant l’attente,
  • être très attentifs aux signes mentionnés précédemment.

Expérience

Vous pouvez simuler un Dust Devil en prenant en compte le paramètre le plus important, soit le gradient de température suradiabatique.
Pour cela, il suffit de placer dans un volume fermé une source de chaleur importante à la base est une source de fraîcheur en hauteur. Il faudra bien évidement un élément permettant de visualiser le tourbillon. Ce sera la fumée d’un objet en combustion (encens par exemple).

Piste technologique

Des moyens technologiques de prévention pourrait être développés.
Dans le milieu aéronautique, notamment sur les installations autonomes de radionavigation aux abords des pistes d’aviation, des moulin à champs électrique permettent de mesurer le champ électrique dans l’espace environnant. Ils permettent de basculer sur des batteries auxiliaires, l’alimentation de ces installations afin d’éviter des dommages matériels lors de l’arrivée d’un orage.
Appelé plus communément détecteur d’orage, le moulin à champs capte les variations du champ électrique délivrés par les éclairs.
Travaillant sur les systèmes de navigation aérienne, sur site isolé en altitude, nous sommes en possession d’un détecteur d’orage afin de nous désolidariser du réseau EDF et assurer la sécurité de nos installations en conséquence. En saison estivale, lors de journées instables, j’ai pu remarqué que les mesures du champ électrique donnaient des pics de plus en plus élevés jusqu’en début d’après-midi. Ensuite, les valeurs enregistrées par l’appareil de mesure diminuaient jusqu’à une valeur nulle à la tombée de la nuit. (Je n’hésiterai pas à partager une image de ces mesures à la prochaine saison estivale)

Cette technologie est une possible piste pour la détection de Dust Devils pouvant générer des champs électriques élevés.

 

Les Dust-Devils ne sont pas à négliger en raison de leur dangerosité. Soyez attentif au sol comme en vol, notamment lors de la phase d’approche. Bien que ces phénomènes surviennent beaucoup sur des décollages, il peuvent également se développer dans la zone d’atterrissage propice à leur apparition.

N’hésitez pas à partager vos avis, remarques et expériences dans le but d’améliorer  et d’enrichir cet article 😉

 

 

4 réponses

  1. Thibault R
    | Répondre

    Peut-on parler de thermique super-boosté et visible ?

    Quelques vidéos pour se rendre compte de la dangerosité potentielle du phénomène :
    https://www.youtube.com/watch?v=0Gt7h3o7-u0
    https://www.youtube.com/watch?v=BV1OqAJNcGs
    https://www.youtube.com/watch?v=U489f7lB4_8
    https://www.youtube.com/watch?v=XF1y8RfwoQU
    https://www.youtube.com/watch?v=lAFcK5wyxQA&t=495s
    https://www.youtube.com/watch?v=BXBogVV31Y4

    Bref ne pas hésiter à dire haut et fort “DUST!” – même si on n’est pas sûr – car il faut réagir très vite.

    Et sinon plus poétique, le générateur à burning man, magnifique :
    https://www.youtube.com/watch?v=nSJkydvQTJY

    • RoRo
      | Répondre

      Je dirais oui et non.
      Oui puisqu’il présente beaucoup de caractéristiques communes comme l’élévation des particules d’air. De plus, il m’est déjà arrivé d’apercevoir une belle colonne jusqu’au plafond générant un cumulus. Parce qu’avec une humidité suffisante au sol, la particule soulevée peut-être amené à son point de condensation en altitude, si la courbe d’état (courbe de température en fonction de l’altitude) le permet.
      Toutefois, il existe “2 formes de thermique”, celui ressemblant à une bulle et l’autre à une colonne. Le Dust ressemblerait plutôt au dernier modèle, celui de la colonne.
      D’ailleurs, dans les Pyrénées, j’ai déjà vu quelqu’un enrouler un thermique au-dessus d’un petit Dust Devil qui s’était préalablement formé. Fifou de son surnom s’en souvient sûrement (n’hésite pas à intervenir), j’avais sauté sur la voile d’un pilote qui s’était attaché et me suis “explosé l’épaule” 😉
      Ça m’est également arrivé il y a quelques années au dessus de atterrissage de St Léon sur Vézère, où un dust était visible quelques minutes plutôt. Suffisamment haut, à hauteur du décollage et au dessus de l’atterrissage, je pensais être dans un thermique mais j’avais du mal à guider l’aile et j’entendais l’air siffler.
      Pourquoi non ?
      Parce le Dust Devil est un phénomène beaucoup plus violent qu’un thermique.

  2. ksuxcle
    | Répondre

    Très intéressant. A Signes dans les années 2000 un jeune élève pilote en formation qui était en attente de décollage , harnaché dans sa sellette, a été pris dans un dust et soulevé de plusieurs mètres avant de retomber sur le dos. Hélas pour lui il a perdu l’usage de ses jambes ! Je me souviens que c’était en hiver au mois de janvier je crois vers le milieu de matinée me semble-t-il ? Que les conditions de la nuit avaient été froides. Qu’il y avait très peu de vent et du soleil.
    Sinon déjà vu pas mal de dusts pendant les cross mais toujours avec de la hauteur, ce qui laisse une bonne marge.
    A l’atterrissage de St-André il y a deux ans vers 17h, je venais de me poser après avoir bouclé un AR Dormillouse. quelques minutes après mon posé calme, la brise du lac s’est tout à coup déchaînée à plus de 40 à l’heure et un énorme dust est apparu coté lac et poussé vers la route.

    Comme pour les éclairs, les dusts sont des phénomènes ultra locaux, donc impossible à prévoir avec certitude. La seule chose c’est de connaitre les bases des conditions dans lesquelles ils sont susceptibles de se former et d’avoir les bons réflexes.

    A+

    Ksuxcle

  3. ksuxcle
    | Répondre

    sur les vidéos on voit bien le repli des ailes juste avant. Mais franchement on a pas beaucoup de temps de réaction ! Et c’est souvent un peu la m^me quand on a un thermique devant le déco.

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